D'Adélaïde aux mines d'opales


Adélaïde est la capitale et la plus grande agglomération d’Australie méridionale (South Australia) avec un million et demi d’habitants. Fondée en 1836 par les premiers européens, l’arrivée de colons par vagues successives en a fait un endroit cosmopolite où le sport, la course automobile, l’art et la culture ou encore la gastronomie sont à l’honneur. Pourtant, malgré ses larges rues, grandes places et nombreux espaces verts, seul son centre-ville très ramassé laisse apparaître tous ces centres d’intérêt.
Deux à trois fois moins grande que Sydney ou Melbourne, Adélaïde attire cependant une multitude de personnes lors de manifestations sportives ou artistiques reconnues. Nous le constatons dès notre arrivée, pendant le «Clipsal 500», où une partie de la ville est transformée en piste automobile durant quatre jours, pour voir s’affronter les «Holden» (voir lexique) australiennes et «Ford» américaines.

Nous partons découvrir le centre, formé d’un quadrillage de rues, qui a pour artère principale King William Street. Hindley Street nous rappelle étrangement «Kings Cross» (voir «Les premiers jours à Sydney») par son côté «sex, drug & rock’n’roll», alors que quelques dizaines de mètres plus loin, Rundle Mall est une rue piétonne très classique, riche en commerces, boutiques de mode et galeries marchandes. Cette dernière devient ensuite Rundle Street, où se mêlent bars pleins à craquer, restaurants et fast-foods en tout genre. C’est là que nous passons la soirée, après un repas sain et équilibré au «Hungry Jacks» (voir lexique)… Nous dénichons un pub original : deux ambiances différentes de chaque côté du bar, et à l’étage un salon donnant sur une grande terrasse, surplombant la rue animée. C’est bien agréable de se poser autour d’un verre, dans un endroit paisible, au-dessus de toute cette agitation !

Nous partons visiter le reste de la ville dès le lendemain après avoir préparé minutieusement notre circuit. Nous traversons le «Elder Park» en longeant la «Torrens River», où barbotent quelques canards et cygnes noirs, avant de remonter vers la place du parlement. Ce lieu original nous rappelle le penchant artistique d’Adélaïde, mêlant art moderne et bâtiments d’époque.
On passe ensuite à côté des jardins du gouvernement pour rejoindre notre premier musée, le «South Australian Museum», proposant plusieurs expositions aussi passionnantes les unes que les autres. Consacré à l’histoire naturelle, nous sommes bluffés par la reconstitution de la vie terrestre et aquatique dans leur environnement : on y trouve toutes sortes d’animaux grandeur nature, des plus petits insectes à un gigantesque squelette de baleine. Une des galeries nous fait découvrir des fossiles et une autre de magnifiques pierres précieuses, un réel plaisir pour les yeux. Mais notre coup de cœur revient à l’aile du bâtiment entièrement dédiée à l’art aborigène. On y trouve d’innombrables outils, armes et parures appartenant à cette culture vieille de plus de 50.000 ans ; ainsi que des œuvres d’art allant de la traditionnelle peinture par points aux sculptures parfaitement conservées. La visite est également agrémentée de nombreuses vidéos qui nous aident à comprendre l’évolution de ce peuple à travers interviews et documentaires : c’est exactement ce que nous voulons voir depuis notre arrivée !

Après un rapide passage devant la «State Library of South Australia» (la bibliothèque de l’Etat), on s’arrête pour admirer l’immense façade en briques rouges de l’université d’Adélaïde, la première du pays à accepter les femmes. Lassés des toiles anciennes, il ne nous faut pas plus de cinq minutes pour parcourir «l’Art Gallery of South Australia», dont les collections d’artistes internationaux nous font rebrousser chemin : un air de déjà-vu à Canberra… (voir «De Sea Lake à Melbourne par Canberra»).

La pluie refait son apparition quand nous visitons le jardin botanique… Nous avons juste le temps de prendre en photo les perroquets colorés qui viennent se baigner dans la fontaine, avant de courir nous réfugier sous une serre. Nous ne voyons malheureusement que les nénuphars géants, quelques cactées et plantes grasses avant de rejoindre notre Jimmy, trempés.

Deux jours dans cette métropole nous semblent suffisants, d’autant plus que les prévisions météorologiques pour la semaine à venir sont assez pessimistes. Nous choisissons donc de faire un détour dans les terres pour découvrir des paysages plus typiques de l’Australie Méridionale.

Nous roulons maintenant vers le nord, jusqu’à Port Augusta, une ville sans grand intérêt à part la promenade en planches qui fait face à une immense zone marécageuse. En revanche, le centre d’information des visiteurs nous donne tous les renseignements nécessaires pour nous rendre dans le fameux «outback» australien (voir lexique). Le plus important est de connaître l’état des routes, souvent non goudronnées et impraticables voire fermées quand il a plu. Notre jerrican d’essence est plein, la pression des pneus vérifiée, l’huile moteur à niveau, et nous avons suffisamment de réserves d’eau et de nourriture. Armés de nos cartes et du GPS, nous sommes prêts à partir à la découverte d’une autre chaîne de montagnes, les «Flinders Ranges».


Nous nous enfonçons de cinquante kilomètres à peine dans l’outback et déjà tout semble bien différent. On est au milieu de nulle part, il n’y a aucun signe de vie, et la végétation habituellement rare et sèche est étonnamment verte suite aux intempéries des mois passés : seuls la terre rouge et les arbres morts n’ont pas changé. On s’arrête à plusieurs reprises pour contempler les vestiges d’anciennes civilisations aborigènes, maisons, puits, grottes ou peintures, avant d’arriver à Hawker, village pittoresque marquant le début des «Flinders Ranges».
Les formations géologiques rouges de ce parc naturel sont impressionnantes. Collines, gorges et vallées se succèdent sur quatre-cent kilomètres au cœur des terres arides, dessinant, pour notre plus grand bonheur, un paysage typiquement australien. C’est la première fois que nous croisons autant de kangourous et d’émeus, en groupes, pas du tout gênés par notre présence.

 Nous voilà enfin à Wilpena, point de départ de nombreuses randonnées. Après une bonne nuit de sommeil sur un agréable terrain de camping, nous nous levons à l’aube pour attaquer l’ascension du «Pic Ste-Mary», point culminant des Flinders. Quelques étirements pour éviter les problèmes de dos (voir «De Sea Lake à Melbourne par Canberra») et c’est parti pour une quinzaine de kilomètres. Le parcours commence par une jolie balade en forêt, au milieu des eucalyptus, où des centaines d’araignées sont fermement accrochées à leurs immenses toiles, attendant leur proie. Aurélie n’est pas très rassurée face à ces créatures peu attirantes qu’il faut souvent écarter de notre chemin... Ce sentier se transforme peu à peu en escalade, rappelant étrangement les «Cradle Mountains» (voir «La Tasmanie»), en moins raide mais sur une plus longue distance. Après tant d’efforts nous rejoignons le sommet, à 1170 mètres, qui nous offre un superbe panorama sur la gigantesque cuvette naturelle «Wilpena Pound», dont les parois quasi verticales que nous venons de gravir s’élèvent sur cinq-cents mètres. Une légende aborigène raconte que deux serpents géants, lors d’une cérémonie d’initiation, auraient dévorés la plupart des participants. Incapables de repartir après un tel festin, ils se seraient laissé mourir sur place, créant le paysage actuel.

Après ces six bonnes heures de marche, nous choisissons un «campground» (voir lexique) perdu dans l’outback. Guillaume, armé d’une scie, prépare un feu à partir d’un vieux tronc d’eucalyptus et de quelques brindilles : rien de tel pour préparer notre repas et chasser les insectes ! Une soirée à la belle étoile qui nous permet de contempler le ciel de l’hémisphère sud, où la voie lactée étincelle entre «Orion» et la «Croix du Sud» (voir lexique).


Le lendemain, une autre marche nous attend, mais cette fois-ci dans la plaine : c’est ce qu’on appelle du «Bushwalking» (voir lexique). Nous parcourrons la brousse pendant deux heures, avec pour seule compagnie les animaux sauvages et les mouches. Bien que le parcours soit balisé, on a tout de même réussi à se perdre… Malgré tout, la randonnée est sympathique et nous retrouvons notre Jimmy facilement.


Nous retournons maintenant vers Port Augusta. C’est en préparant nos sandwichs qu’on soupçonne un intrus de s’être glissé dans le van. En effet, on distingue très nettement des traces de dents sur notre pain de mie, même le plastique a été mangé : Alerte ! On a pris une souris en «lift» (voir lexique) ! Ni une ni deux, nous déballons toutes nos affaires et constatons que le sucre, la noix de coco râpée ainsi que le sachet de pâtes tout neuf ont également été croqués ! Malgré tous nos efforts pour démasquer le coupable, le mystère reste entier…

De retour en ville, nous faisons de nouveau des provisions et repartons sans plus attendre vers Coober Pedy, située à six-cents kilomètres dans les terres. Nous traversons l’outback, entre la terre ocre et d’immenses lacs salés, où les reflets du soleil font ressortir la couleur des cristaux, variant du rose au bleu. Après deux-cent kilomètres de route nous croisons enfin un lieu habité, Woomera, où nous décidons de dormir. Quelle surprise de sortir de la nuit et de voir enfin une trace de civilisation ! Ancienne base militaire britannique, ce site de deux-cents habitants tout au plus abrite un musée tout neuf sur les missiles et la technologie spatiale. A notre grande surprise, nous pouvons nous installer confortablement dans un parc, aménagé avec barbecue, évier et tables de pique-nique.
Au petit matin, curieux, nous ne manquons pas de voir à quoi ressemble le supermarché local... nous ne sommes pas déçus ! C’est un hangar en tôle ondulée, où se mélangent les stocks et quelques produits en vrac sur des étagères et des tables. Géré par les bénévoles et retraités, le magasin est rustique mais convivial.

Nous continuons notre chemin à travers le désert, souvent dépassés par des «Road-trains» (voir lexique), pour rejoindre Coober Pedy, la capitale mondiale de l’opale.


Tout à commencé en 1916 lorsqu’un adolescent aurait marché par hasard sur une de ces pierres précieuses. La nouvelle s’est vite répandue et des gens du monde entier se sont précipités là, au milieu de cette terre aride, avec pour seul objectif d’y faire fortune. Aujourd’hui, 80 % des opales du monde viennent de cette bourgade, qui vit essentiellement de leur vente et du tourisme. Son caractère atypique a attiré de nombreux producteurs hollywoodiens : entre autres, Pitch Black et Red Planet ont été tournés ici.

Nous rejoignons le «Big Winch lookout», situé dans les hauteurs, et sommes bluffés par tant de désolation… Tout semble desséché, les quartiers poussiéreux sont construits entre les anciennes mines et décharges abandonnées : on se croirait dans un autre monde ! Arrive alors un chinois qui nous propose très gentiment d’entrer dans sa petite échoppe, espérant nous vendre quelques (fausses) opales. Nous lui disons que nous ne sommes pas là pour acheter quoi que ce soit et il fait demi-tour en nous ignorant…

Nous voulons absolument savoir à quoi ressemblent les bars de la région. Le choix est réduit, entre le triste comptoir de l’hôtel avec ses trois machines à sous et le plus populaire, un pub typiquement australien, tenu par une femme au caractère bien trempé. Les habitués enchaînent les bières et nous font saliver en mangeant leur «fish & chips» (voir lexique). Nous résistons à la tentation en ne prenant qu’un verre et attendons l’heure du dîner pour cuisiner nos «Noodles» (voir lexique), sur un terrain vague…

Le lendemain nous partons à la découverte des fameuses maisons troglodytes. En effet, le climat si hostile, où les températures grimpent facilement jusqu’à 50°C la journée et peuvent descendre en-dessous de zéro la nuit, a poussé les gens à vivre sous terre. D’ailleurs, «Coober Pedy» vient d’une expression aborigène qui signifie «le terrier de l’homme blanc». On entre ainsi dans deux églises étonnantes, entièrement creusées dans la roche, avant de partir pour la maison de «Crocodile Harry». Sur place on est dans un autre univers. Le «Harry» en question aimait deux choses, les femmes et la nature. Vivant sous terre dans un lieu tellement irréel qu’il a servi de décor pout le film Mad Max III, cet homme a passé son existence à chasser le crocodile à mains nues et à parcourir les endroits les plus reculés d’Australie. Nous trouvons cette «caverne» à la fois passionnante et complètement déjantée, à tel point que c’est une de nos meilleures visites.

 
Ne faisant pas confiance à la plupart des vendeurs d’opales du coin, nous décidons de les trouver par nous-mêmes. Des tonnes de gravas sont entassés au milieu de la ville, permettant à tout un chacun de fouiller dans les déchets de mines afin d’y trouver quelques fragments de pierre précieuse. En deux heures, nous en amassons suffisamment pour remplir notre petit sac congélation : nous ne ferons pas fortune mais c’est un bon début !

Nous consacrons l’après-midi à un parcours de soixante-dix kilomètres à travers la région, sur des chemins de terre. On longe d’abord une partie de la «Dog Fence». Cette barrière de 5.600 kilomètres est la plus grande construction humaine sur Terre, traversant tout le continent afin de protéger les moutons du sud des «dingos» (voir lexique) du nord. Nous continuons dans la réserve des «Breakaways», un enchaînement d’escarpements colorés donnant sur le bien nommé «Painted Desert». Ces paysages lunaires sont à couper le souffle, seules les mouches nous empêchent d’en profiter pleinement. A peine sortis du van elles se posent sur nous par dizaines : que ce soient les yeux, la bouche, le nez ou les oreilles, on n’essaye plus de les chasser car elles reviennent toujours aussi nombreuses ! Un coup de «Raid» (voir lexique) dans le véhicule et, fenêtres fermées, nous repartons vers la «Moon Plain», une mer intérieure asséchée. Ces panoramas exceptionnels dans ce désert coloré sont d’une beauté inoubliable : de loin une de nos plus belles étapes.


On rejoint la ville le sourire aux lèvres. En chemin, nous photographions les mines d’opale à ciel ouvert, où les ouvriers laissent derrière eux des centaines d’amas de terre en forme de cônes. Elles sont fermées au public car trop dangereuses, d’autant plus que les trous de forage ne sont jamais rebouchés.

Une des choses les plus marquantes à Coober Pedy (plus généralement en Australie) est la situation malheureuse des aborigènes. L’histoire de ce peuple, le plus vieux du monde, est bien compliquée. Le pays a été envahi par les européens il y a moins de deux-cents ans, les considérant alors comme des indigènes qu’il fallait éduquer ou enfermer. Aujourd’hui, bien que la nation se vante d’accepter leur culture, la réalité est toute autre. Même si certains ont réussi à s’intégrer dans cette société, la plupart d’entre eux, sans repère, sont perdus entre leur mode de vie et le nôtre. Ainsi, sans métier ni argent, ils errent dans les rues, avec pour seules occupations la drogue et la mendicité. L’image de ce petit garçon de cinq ans, le regard vide au milieu de la rue, se servant d’une main pour boire un soda et de l’autre pour uriner, restera dans notre mémoire…

Forts de cette expérience, nous rejoignons Port-Augusta après une nuit à la belle-étoile, le long de la route. Le silence est total, l’occasion pour nous de se remémorer tout ce qu’on a vu en si peu de temps. Nous pensions tout connaître des montagnes australiennes avant Melbourne et imaginions que le désert était monotone ; mais toutes ces surprises sont d’autant plus de découvertes enrichissantes avant de rejoindre la côte ouest !

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