A la recherche d'un job

Faire le tour de l’Australie nécessite un budget conséquent. Nous pouvions trouver un emploi à Sydney, mais vivre sur place était hors de nos moyens. L’obstacle de la langue et notre disponibilité pour seulement quelques mois ne nous laisse qu’une solution : nous allons travailler à la ferme. Nous sommes fin octobre, propriétaires d’un van, en règle de tous papiers administratifs et prêts à travailler. Mais depuis quelques années, les backpackers ont envahi le pays. Les fermiers, encore ravis de voir arriver une main d’œuvre jeune et motivée il y a peu, sont désormais assaillis de demandes d’emploi…

C’est ainsi que nous quittons Brisbane pour nous rendre à Warwick, plus à l’ouest dans les terres, où nous pensons trouver du fruit-picking. La première chose à faire en arrivant dans une nouvelle ville est de trouver le «point information», fournissant généralement une carte de la ville et l’adresse du «working office» (voir lexique).
Il pleut depuis deux semaines sur toute la partie est du continent, rendant impossible le travail dans les champs. Sans fruits à préparer pour la récolte ni légumes à ramasser, nous ne voulons pas rester ici plus longtemps. Nous rencontrons beaucoup de personnes susceptibles de nous aider ou de nous fournir un boulot, mais en vain. Il faudrait descendre encore un peu plus au sud, à une heure de route.

Nous voilà donc à Stanthorpe. Nous décidons de faire nous même le tour des fermes ; cela semble être le meilleur moyen de savoir s’il y a du travail. Nous tentons notre chance dans une exploitation de fraises, non loin de là. De nombreuses personnes sont à la cueillette, et nombre d’autres attendent leur tour. Une jeune femme nous fait remplir un formulaire d’inscription et nous dit que pour l’instant il n’y a aucune disponibilité, mais qu’elle nous appellera s’ils ont besoin de main d’œuvre.
Nous continuons notre recherche, carte à la main, afin de visiter toutes les exploitations alentours. Tous les fermiers nous disent que ce n’est pas la saison des récoltes. En effet, ils cultivent essentiellement du raisin, lequel se ramasse ici en février. Néanmoins, les fruits de la région nécessitent un travail toute l’année et de nombreux légumes sortent de terre au printemps austral. Nous obtenons quand même plusieurs numéros de téléphone, mais après quelques coups de fils, les fermiers disent avoir suffisamment de travailleurs ou nous laissent entendre qu’en insistant, on pourrait peut être les aider quelques heures tout au plus, dans une semaine ou deux. Bref, à la fin de la journée, toujours aucun job concret ! Ce n’est pas si simple de trouver un travail en Australie !

Nous décidons de partir dès le soir pour Hay, où des connaissances nous ont dit qu’il restait de la place pour la récolte des salades. Nous mettrons deux jours pour faire la distance, soit un peu plus de mille kilomètres. C’est une toute petite ville avec une rue principale et deux superettes, au milieu du «Bush» (voir lexique). Dans le «working office», il n’y a aucun boulot. La récolte des salades est presque terminée. Tous les fermiers ont déjà leur quota de personnel, et les oignons ne commencent pas avant la prochaine quinzaine.
Il en faut plus pour nous arrêter ! Ici aussi, nous décidons de faire le tour des fermes de la région, pour faire savoir que nous sommes là, prêts à bosser dur ! Mais toujours rien de nouveau à la fin de la journée, seul un couple de fermiers ayant pris nos coordonnées pour les oignons à venir. C’est ce jour là qu’on a appris une chose très importante : les fermiers ne voulant plus prendre de risque, ils passent maintenant par des contractors (voir lexique).
Nous retournons au «working office», en expliquant que nous sommes prêts à faire quelques kilomètres encore, mais qu’il nous est financièrement impossible de voyager éternellement de ville en ville sans avoir de véritable offre d’emploi. Notre conseiller prend le temps de contacter diverses agences de la région et, lorsqu’il raccroche, nous donne un numéro de téléphone. C’est un backpacker à Nyah West, un petit village à environ une heure trente de là.

En Australie, ce sont les auberges et caravan parks qui profitent au mieux de tous les voyageurs à la recherche d’un job saisonnier. En effet, ils connaissent les fermes alentours et distribuent les boulots au compte-goutte. Il faut le plus souvent se loger chez eux pendant une semaine à un mois avant de voir apparaître la première offre. Et encore, certains ont payé des semaines sans jamais travailler. Même s’il est illégal, ce procédé est très répandu.
Une fois à Nyah West nous n’échappons pas à la règle. A peine arrivés à l’auberge, qui ressemble d’ailleurs plus à une maison fantôme qu’à un hôtel, la gérante nous dit qu’elle a du travail et nous propose une chambre. Nous expliquons que nous sommes fauchés (ce qui est faux rassurez-vous), que l’on cherche à gagner de l’argent et qu’on ne peut pas en dépenser en hébergement, d’autant plus qu’on vit dans notre van. Alors le travail disparaît, au profit d’une énième adresse de caravan park… Là-bas, on nous tient le même discours ! En insistant nous obtenons tout de même un numéro, celui d’un contractor !

Après avoir fait encore quelques fermes, comme d’habitude sans succès, nous partons pour la grande ville, Swan Hill, principalement car c’est le seul endroit de la région où fonctionne notre téléphone… C’est une jolie petite ville, déjà bien plus grande que les autres. Il y a trois supermarchés, des magasins de toutes sortes et un Mac Do (pratique pour la connexion Internet) ! Nous passons un coup de fil à Tony, le contractor de Nyah. Celui-ci nous rappelle le soir même : nous commençons demain à Tooleybuc, à 50 minutes de Swan Hill, dans une ferme qui produit des pêches. Nous allons faire du «pruning», opération qui consiste à ne laisser que deux ou trois fruits par branche afin d’obtenir de plus grosses pêches. Nous sommes heureux d’avoir enfin un emploi pour mettre de côté !
Le lendemain, Tony, Indien d’origine, nous présente les personnes avec qui nous allons travailler : que des Indiens. Nous apprendrons que ces derniers sont payés 40 centimes de dollar par arbre fini, alors que nous sommes payés 1,25 dollar, et eux vivent comme ça depuis deux ans.
Nous comprenons vite que ce n’est pas un boulot de rêve. Outre le fait que nous passons toute la journée au soleil, nous ne dépassons pas les 75 arbres le premier jour après dix heures de travail. Le calcul est rapide : moins de 100 dollars pour tous les deux !
Les deux jours suivants nous avons pris notre rythme, et arrivons à en faire deux fois plus dans le même temps. Une fois nos trois rangées finies, nous appelons Tony pour qu’il nous donne un autre travail à faire. Et là surprise : il vérifie quelques arbres et nous demande de recommencer car le travail ne lui convient pas. Pourtant, après comparaison, nos arbres sont presque mieux taillés que ceux des Indiens : notre décision est prise, nous partirons ce soir !
Nous serons payés trois jours plus tard car le fermier, que nous n’avons jamais vu, doit soi-disant vérifier le travail. Nous touchons environ cinq dollars de l’heure par personne, ridicule !

Depuis quelques temps déjà, nous avons pris l’habitude de consulter régulièrement les offres et de poster des annonces. Notre curriculum vitae a été enrichi ça et là de nombreuses expériences de travail à la ferme, notamment pour Guillaume, qui aurait passé toute son enfance dans une grande ferme céréalière de la région parisienne…
Tous ces efforts ont enfin payé ! Nous avons décroché un entretien pour travailler dans une coopérative de grain, à Sea Lake, à cinquante kilomètres de Swan Hill. Elle est perdue au milieu de nulle-part, mais l’équipe est chaleureuse, le job est déclaré, et très bien rémunéré. L’entretien s’est bien passé, la visite médicale en fin de semaine aussi, nous devons donc commencer mi-novembre !

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