La Tasmanie

Jeudi 10 février, il est 5h30 du matin et nous avons juste le temps d’avaler un café avant de partir pour l’embarcadère du port de Melbourne. Le soleil est à peine levé et, déjà, une longue file de véhicules attend impatiemment de monter à bord du ferry qui nous emmènera en Tasmanie. Le bateau, qui nous faisait rêver depuis des jours de par sa taille imposante, nous déçoit beaucoup une fois à bord. Après quelques cafés au bar, nous jetons un œil au programme de la traversée, mais à part l’atelier de maquillage pour enfants et les deux chanteuses quinquagénaires venues fredonner quelques airs pendant une heure ou deux, il n’y a rien de bien intéressant à voir ou à faire. Nous passons alors  près de dix heures à trier nos photos.

Enfin nous arrivons en Tasmanie… sous la pluie ! Il ne nous faut pas moins de deux heures pour quitter le ferry car tous les véhicules sont fouillés par les douaniers et leurs chiens. En effet, l’île étant très protégée, il est interdit d’y introduire fruits, légumes ou animaux (la liste est longue !). Ca y est ! Nous sommes sur la terre ferme et comptons bien profiter de nos trois semaines ici pour visiter cette île du bout du monde.

Tout d’abord un peu d’histoire. Il y a plus de dix mille ans, la Tasmanie était reliée au reste du continent par un bras de terre, sorte de prolongement de la cordillère australienne (voir «de la montagne à la mer»). Appelée Terre de Van Diemen dès sa découverte, l’île fût pendant longtemps un lieu de débauche, majoritairement occupé par des prisonniers et condamnés britanniques, où les massacres d’aborigènes étaient courants. C’est au milieu du XIXème siècle, après les derniers transferts de détenus, qu’elle a changé de nom pour devenir la Tasmanie et retrouver ainsi une bonne réputation.
Cette île est très différente du reste du continent. Il y pleut soixante-dix pour cent du temps et la neige tombe cinquante-quatre jours par an, mais c’est aussi cette différence de climat qui en fait un pays à part entière, semblable aux terres du Seigneur des anneaux (Nouvelle-Zélande), une région montagneuse et verdoyante, unique.


Nous sommes à Devonport, troisième ville de l’Etat mais avant tout un lieu de passage, en quelque sorte une frontière entre la Tasmanie et le reste du continent car unique porte d’entrée de l’île. Construite autour du port et de la rivière, elle n’est pas très attrayante et nous ne voulons pas nous y attarder, aussi nous y restons juste le temps de planifier notre parcours. Une fois bien organisés, nous partons pour notre première attraction, l’observation des manchots les plus petits du monde au coucher du soleil (les mêmes qu’à Phillip Island, voir «de Sea Lake à Melbourne»),. Malgré son côté touristique, le spectacle est à la fois drôle et touchant, quand à la nuit tombée, à la lueur des torches rouges de nos guides, nous voyons ces petits oiseaux à la démarche maladroite rentrer vers leur nid, juste à côté de nous.

Nous nous dirigeons le lendemain vers la pointe nord-ouest de l’île, en passant par de nombreuses plages toutes aussi jolies les unes que les autres. Le long de la côte, la végétation, aussi verte que variée, nous fait penser aux paysages écossais. Après un bel arrêt à Penguin pour un barbecue face à la mer et une séance photo sous un grand soleil, nous continuons notre route vers Burnie. C’est la plus grande ville de la région et on peut enfin y acheter les «body-boards» (voir lexique) et palmes/masque/tuba qu’on cherchait, en vain, depuis des semaines. Nous allons pouvoir faire du «snorkeling» (voir lexique) sans nous ruiner!
Nous partons vers Table Cape, un plateau suspendu au dessus de l’eau offrant un panorama à 180° sur la mer. ; avant de quitter la côte pour nous rendre aux Dip Falls, des cascades hautes et puissantes, les plus impressionnantes qu’on ai vues jusqu’à présent. A deux pas se trouve le «Big Tree», un des plus gros arbres de Tasmanie, dont le tronc avoisine les 15mètres de circonférence.

Après une heure de route, nous sortons de la forêt humide et apercevons Stanley, où, se dressant au dessus de la mer, l’énorme rocher baptisé «Circular Head» (ou «The Nut») fait toute la beauté du village ! Garés devant pour la nuit nous assistons à un magnifique coucher de soleil et décidons d’entamer son ascension le lendemain. Là aussi nous aurions pu prendre un télésiège, mais nous préférons faire un peu d’exercice :. cinq minutes de montée interminable pour savourer pleinement une vue à 360°C sur toute la côte. La région, balayée par les quarantièmes rugissants, nous donne du fil à retordre pour tenir bien droit les appareils photo !


Une fois cette belle promenade terminée, nous traversons à nouveau la forêt pendant de longs kilomètres et arrivons sur le dernier lieu habité de la côte ouest, Marrawah, perdue au milieu de paysages sauvages et désolés. On ne peut qu’admirer les plages naturelles et les quelques surfeurs venus affronter les dangereux rouleaux. Au-delà, il n’y a plus une terre avant l’Argentine !
Nous nous arrêtons ensuite, au «Rocky Cape», une pointe sauvage dominée par un vieux phare. Perdu entre une immense plage de sable blanc et des rochers escarpés, ce cap est notre dernière étape avant de rejoindre la route qui nous mènera plus au sud.

Nous sommes maintenant sur le chemin des Cradle Mountains, destination incontournable de la région. C’est reparti pour des routes de montagne comme on les aime ! Toujours à la conquête de points de vue, nous nous arrêtons régulièrement avant d’arriver au parking du centre d’information desdites montagnes, très prisées des randonneurs. Certaines marches durent une semaine ! La plus connue est l’Overland Track, longue de 80 km. Pour la faire, il faut être bien entrainé et surtout partir avec tout le nécessaire sur le dos, autant dire que nous avons vite abandonné l’idée de la faire dans sa totalité...
Notre arrivée est un peu chaotique. Nous apprenons que tous les parcs en Tasmanie sont payants et devons donc acheter un pass, valable deux mois, qui nous permettra de nous promener librement à peu près partout. De plus, aucun barbecue ni emplacement pour un feu n’est permis, si ce n’est au seul caravan park de la réserve. Comme nous avons prévu de faire un repas spécial pour la Saint Valentin, nous devons y réserver une place pour la nuit. Nous y passerons une excellente soirée, au milieu de la forêt, des opossums et pademelons (petits wallabies). Un petit chalet est même confortablement aménagé avec plaques électriques, barbecue, eau chaude et grande cheminée ; grand luxe pour ce soir ! Nous ne nous couchons pas trop tard car le lendemain un dur parcours nous attend...

Le soleil est à peine levé et nous roulons à travers la brume matinale pour rejoindre le lac Dove, d’où débute la randonnée. La route à travers la montagne est magnifique et nous donne  l’impression d’être dans les nuages ! Bien rodés depuis le Mont Kosciuszco (voir «de Sea Lake à Melbourne»), nous préparons juste ce qu’il faut dans nos sacs. Il est huit heures, nous venons de partir et nous sommes déjà sous le charme : les montagnes se reflètent dans les lacs et la piste, bien que raide, est simple et agréable, sinuant le long des rivières, lacs et points de vue époustouflants… enfin… jusqu’à ce qu’on arrive à l’ascension finale.


La randonnée se transforme alors en escalade sur de gros blocs rocheux. Aurélie, impressionnée par la hauteur et la difficulté de la marche, a failli abandonner, mais après quelques encouragements, elle va jusqu’au bout. Nos efforts sont récompensés : vue à 360 sur les massifs alentours et en contrebas sur les pentes que l’on vient de gravir (600 mètres de dénivelé). Nous sommes au niveau des nuages et le temps est magnifique, ce qui fait ressortir toutes les couleurs de ce beau décor ! Nous redescendons par la face Nord, qui comme son nom l’indique est beaucoup plus raide, à tel point que nous sommes souvent obligés de nous agripper à la main courante, et nous rejoignons le lac par une agréable promenade en planches. Nous aurons mis 8 heures pour faire ces dix-sept kilomètres de marche, sous un soleil radieux ! 

Il n’est pas très tard quand nous quittons le parc national, à la recherche d’une ville assez grande pour faire quelques courses et se reposer. Nous avons repéré Queenstown sur la carte, à une heure de route de notre randonnée. Cette ancienne ville minière est tellement lugubre et triste à notre arrivée que nous préférons encore faire une heure de route, à 19 heures, plutôt que de passer la nuit dans un lieu si déprimant ! Bien que le voyant rouge des freins soit allumé, nous arrivons sans encombre à Strahan, plus à l’ouest, en bord de mer, où nous trouvons un coin agréable et calme près du port de pêche. Le lendemain, nous mettons le liquide de frein à niveau, avant de nous diriger vers le lac Saint-Clair. Ce lac, connu pour être le lieu d’arrivée de l’Overland Track (voir ci-dessus), est moins exceptionnel que nous l’avions espéré. En effet, en cumulant les trois marches possibles, d’une vingtaine de minutes chacune, nous avons à peine profité du plan d’eau, la majorité de la balade étant au milieu de la forêt.

Nous roulons maintenant vers le sud de l’île pour rejoindre Hobart. Sur le chemin, une petite halte s’impose à Hamilton, dont l‘unique pub nous reste en mémoire de par ses prix exorbitants, une carte réduite et une tristesse affichée jusque sur le visage de ses clients. Cette bourgade est en effet proche des Russel Falls, cascades soit disant incontournables, mais bien moins impressionnantes que les Dip Falls citées précédemment.

C’est en reprenant la route pour la capitale que Jimmy a eu une montée soudaine de température : il n’y a plus d’eau dans le radiateur ! Pas de doute, nous devons nous arrêter et trouver un garage. Nous sommes bien entendu au milieu de nulle part, à l’entrée d’un petit village. Après avoir frappé à plusieurs portes pour savoir si une bonne âme accepterait de nous remorquer jusqu’à la ville la plus proche, située à trente kilomètres, c’est un policier local qui appelle pour nous un ami dépanneur. C’est ainsi que nous arrivons à New Norfolk, où Jimmy sera réparé à moindre frais.

Nous nous dirigeons alors vers Hobart, capitale de la Tasmanie, dès le vendredi soir, afin de nous rendre au très connu marché du samedi matin. Pas de chance, le «Salamanca Market» est en effet magnifique, mais nous le faisons sous une pluie torrentielle. Heureusement, nous trouvons un excellent café pour nous réchauffer et, une fois la pluie passée, nous profitons pleinement de la ville. Avec son port, son musée et ses petites ruelles pavées, cette ville nous plaît beaucoup car authentique et animée, même si elle est surnommée «Slowbart» par ses habitants, trouvant qu’il ne s’y passe jamais rien de nouveau. A la fin de la journée, nous trouvons un bar traditionnel qui propose bières et cidres locaux bon marché, accompagnées de frites et ailes de poulet savoureuses ; nous y passons une excellente soirée. Pour terminer, nous montons en van sur le Mont Wellington, d’où le panorama sur Hobart et ses alentours est assez impressionnant !

Nous ne pouvons pas explorer le sud-ouest de l’ile, pour la simple et bonne raison que cette partie du territoire est entièrement protégée, et représente encore une des zones les plus sauvages et reculées du monde. Les seules voies praticables sont des chemins pédestres, accessibles uniquement sur autorisation, qu’il faut arpenter pendant une bonne semaine avant de voir la couleur de l’océan. Quelques personnes sont encore là ponctuellement pour garder les phares de la côte, qu’ils ne peuvent rejoindre qu’en bateau ou en hydravion. Pourtant, nous avions repéré la seule courte randonnée qui permettait de profiter d’une partie de la région, mais la pluie étant de retour, nous devons rebrousser chemin.
Il nous faut maintenant trouver un endroit pour passer la nuit ! Il fait froid, humide et le moral est au plus bas lorsque nous trouvons une «picnic area» parfaitement adaptée à la situation. Une grande cheminée pour faire un feu, un barbecue pour cuisiner et un évier pour la vaisselle, le tout sous un patio couvert ! Nous y passerons une soirée au sec, à écouter la pluie ruisseler sur le toit.

Nous sommes à nouveau sur un ferry, mais pour un trajet de 45 minutes seulement, car nous partons visiter une petite île au sud d’Hobart, Bruny Island. Celle-ci est composée de deux parties, une au nord et l’autre au sud, reliées entre elles par un bras de terre. Nous avons fait quelques provisions pour les deux jours à passer ici, car il n’y a aucun supermarché sur ce petit paradis protégé. Au programme, de belles ballades le long de plages désertes et des vues surprenantes sur une mer houleuse. Nous croisons, au cours d’une randonnée dans les hauteurs de l’île, notre premier Echidna, une forme de porc-épic.

Ici aussi, on trouve quelques habitations isolées de tout, les pingouins représentant la majorité de la population. Il nous est donc difficile de trouver un spot car les quelques «campgrounds» (voir lexique) sont dépourvus de toilettes, barbecue, ou encore d’emplacement pour faire un feu! Heureusement, après maintes et maintes recherches, nous trouvons notre bonheur dans un hameau d’une dizaine d’habitants tout au plus…

Après cette belle étape, nous découvrons la Péninsule de Tasman et faisons une halte à Port Arthur, première ville pénitentiaire de l’Etat. Nous nous rappellerons sans conteste de la «Fortescue Walk», une marche magnifique sur des falaises de trois-cent mètres, les plus hautes de Tasmanie, d’où nous observons quelques phoques et plusieurs groupes de dauphins. Le soir, nous ramassons des mûres sauvages face à la mer, et passons une nuit paisible le long de la plage, de quoi reprendre des forces pour la marche du lendemain. Plus courte, cette dernière nous fait découvrir une jolie arche formée par l’érosion, où les vagues viennent s’éclater.


De nouveau sur la route, nous apprécions une partie de la côte est, bien différente et célèbre pour ses rochers colorés et ses eaux turquoises. Près de Coles Bay, nous nous arrêtons sur des plages paradisiaques, les Friendly Beaches ! Sable blanc, roches rouges, personne aux alentours, nous allons déjeuner ici !

Non loin de là, la Wineglass Bay nous attend, une des cinq plus belles baies du monde. Malheureusement nous la voyons sous un ciel couvert, mais qu’importe. Une fois de retour, nous caressons et nourrissons un kangourou qui, toujours pas rassasié, a bien failli nous suivre dans le van, et prenons en photo un wombat (marsupial à courtes pattes ressemblant à de petits oursons bruns et massifs) perdu au milieu du parking. Enfin, nous terminons la journée par un coucher de soleil, avec vue sur la plage et le Mont Freycinet.

Toute la côte est regorge de plages somptueuses. Nous passons par Bicheno et son port rustique, sa presque-île et ses rochers, mais notre coup de cœur est de loin Binalong Bay, d’où débute une vingtaine de kilomètres de plages de sable blanc, formant ce qu’on appelle la «Bay of Fire». Nous prenons le temps (d’essayer) de pêcher, de nous allonger sur le sable, de contempler les rochers rouges, bref, que du bonheur !

Nous nous rendons vers Launceston, notre dernière grande ville avant de rejoindre de nouveau Devonport. Sans grand intérêt selon nous, on y voit de nombreux bâtiments datant de l’époque industrielle. Malgré tout, son principal attrait vient des gorges situées à dix minutes du centre ville. La promenade est parfaite, nous marchons même sur un pont suspendu au dessus de la rivière, où quelques habitués aiment à se baigner. Nous avons de nouveau l’étrange impression d’être en pleine montagne !

Avant de partir, d’autres backpackers nous avaient bien dit qu’il serait dommage de ne pas aller en Tasmanie. Déjà trois semaines que nous y sommes et le temps passe bien trop vite… Après avoir profité de la richesse et de l’authenticité de cette île, nous partageons entièrement cette opinion ! Séparée de deux-cent kilomètres du continent par le détroit de Bass, elle regorge de paysages uniques. Même si cette région est la plus froide d’Australie, nous avons eu la chance de la parcourir sous un temps relativement chaud et ensoleillé. Un séjour inoubliable !

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